"mon fils âgé de 2 ans : a dit : « Maman » : je l’ai entendu : j’ai pleuré : il a dit : « Pourquoi maman elle pleure » : et j’ai pu lui répondre : Oh maman pleure de Joie mon chéri …."

Catherine Daoud vient d’être nommée Chevalier de l’Ordre National du Mérite pour toutes ces années de dévouement auprès du CISIC.

implantée en bilatérale à 15 ans d'intervalle, premier IC en octobre 1999 et deuxième IC en 2015

Catherine D et enfants

 

Je m’appelle Catherine, j’ai 38 ans, suis ingénieur de formation et maman de 2 enfants de 6 et 7 ans. Je n’ai connu aucun ennui de santé jusqu’en 1991, où à l’âge de 25 ans, je ressens les premiers signes d’une surdité brusque bilatérale évolutive.

Quelques jours avant que je devienne sourde, j’ai été prise d’intenses vertiges rotatoires durant plusieurs jours.

Commencent alors pour moi des années très dures d’hospitalisations, de travail dans des conditions très difficiles. Petit à petit, beaucoup de choses me sont «interdites» : le téléphone, la télévision, écouter en voiture, écouter la radio, aller au restaurant. Avec l’aggravation de ma surdité, la conversation devient très pénible, car je ne comprends plus que quelques syllabes, au mieux quelques mots. Faire l’effort de comprendre est devenu épuisant : je ne peux le faire que durant de très courts dialogues, pour échanger des informations importantes. Je commence à me couper du monde qui m’entoure. Ma vie familiale est devenue très pénible, je me sens exclue dans presque toutes les situations. Mon audition continue à baisser inexorablement, jusqu’à la surdité profonde.

En 1995 on me parle de l’implant cochléaire mais on me dit que la rééducation est longue, que ce que je vais entendre sera très différent comme l’apprentissage d’une nouvelle langue, que « bonjour » sera « bababa » … Peu confiante dans l’idée de sacrifier le reste de mon audition, je décide d’attendre …

Cette attente se prolonge jusqu’en Octobre 99. La rencontre avec deux implantés me fait alors prendre conscience que contrairement à moi, eux ne sont pas « exclus ». Après quelques examens je suis opérée un jeudi matin. Le mercredi suivant, mon appareil est mis en marche et c’est le miracle : on me parle et j’entends, je parle et j’entends ma voix ! Ce jour là pour moi est aussi important que la naissance de mes enfants : je suis revenue dans le monde, je revis. Je réentends mes pas, l’eau qui coule, les voix de toute ma famille qui a accouru dans ma chambre d’hôpital, celle de ma maman, de mon mari. A mon retour de l’hôpital, je découvre les voix de mes enfants. Lorsque mon fils âgé de 2 ans dit « Maman », je l’entends et je pleure. Il dit : « pourquoi maman elle pleure ? » Je peux alors lui répondre « oh maman pleure de joie mon chéri ! »

Bien sûr, ma compréhension est encore très imparfaite à ce moment, mais je progresse rapidement. La première semaine je ne comprends qu’à peine 30% des dialogues à la radio, la deuxième 50%, mais maintenant c’est 90%. Je comprends aussi petit à petit la télévision : d’abord le journal télévisé, puis les débats et les films. Le réapprentissage du téléphone a été beaucoup plus difficile car pendant la phase évolutive de ma surdité, il était devenu un cauchemar. J’ai néanmoins fini par vaincre ma grande appréhension, et aujourd’hui, je téléphone complètement normalement.

Avant d'être implantée, je n'ai jamais eu l'espoir de réécouter la musique, car la musique est la première chose que l'on perd quand on devient malentendant. On n'en a donc aucun souvenir agréable "récent" et cela n'incite pas à tenter de retrouver un plaisir oublié depuis longtemps. Ecouter la musique c'est le faire avec plaisir sinon cela ne sert à rien.
Lorsque je me suis aperçue que j'avais une si bonne compréhension avec mon implant, j'ai essayé d'écouter un CD puis un autre mais cela restait très confus.
Le déclic a eu lieu lors d'un concert où il y avait seulement une chanteuse Soprano et une pianiste, ce soir là j'ai eu l'impression de redécouvrir l'émotion procurée par la musique. J'ai donc poursuivi ma rééducation en écoutant des instruments séparément et maintenant je me « régale » à chaque concert. Réécouter la musique après en avoir été privée si longtemps, c'est vraiment très intense au niveau des émotions.

Chaque jour je remercie la science d’avoir réussi l’exploit de créer une oreille artificielle si proche de la vraie …

Pour mieux informer sur l’implant cochléaire, témoigner de sa réussite et de la transformation de ma vie qu’il a permise, accompagner les implantés dans ce parcours pas toujours simple, j’ai créé en septembre 2002, l’association CISIC (Centre d’Information sur La Surdité et l’Implant Cochléaire) dont je suis la présidente.

Catherine, Avril 2005