"A 39 ans, mon oreille gauche me quitte ; l’oreille droite seule ne pouvant plus assurer la compréhension, j’ai donc eu recours à l’implant cochléaire"

La vie avec un implant cochléaire – Mon expérience à travers trois appareils et deux implantations.


La surdité est un handicap parmi tant d’autres qui est difficile à surmonter surtout parce qu’il ne se voit pas toujours, souvent l’objet d’incompréhension et d’exclusion. Bien des larmes ont coulé pour surmonter les difficultés mais aussi de joie pour avoir tenté de subsister avec de nouveaux appareils toujours plus performants et dans le seul but de toujours entendre le plus longtemps.

Sourde de naissance, appareillée seulement vers l’âge de huit ans, je me suis battue contre ce silence si différent de celui que l’on peut apprécier lorsque l’on entend.
A 39 ans, mon oreille gauche me quitte ; l’oreille droite seule ne pouvant plus assurer la compréhension, j’ai donc eu recours à l’implant cochléaire.

En octobre 2001, je me fais implanter par le professeur Meyer à l’hôpital Saint Antoine de Paris pour la première fois avec le boîtier MXM. Dès le premier instant, j’ai entendu une mélodie carillonnante, au bout de quelques semaines un mot et enfin une phrase. Avec beaucoup de patience et de volonté au bout de quelques mois j’avais une bonne compréhension de la parole et j’ai redécouvert tour à tour le bruit de l’eau qui coule, le chant des oiseaux, le vent qui souffle, les feuilles qui crépitent sous mes pas… C’était tellement merveilleux de revivre dans un monde sonore, un monde vivant…

La technique continue d’évoluer et je passe au contour MXM Digisonic BTE. Quelques réglages seront encore nécessaires pour s’adapter et éliminer quelques problèmes de résonance ; à mon grand bonheur j’arrive à réécouter quelques morceaux de musique classique. Certes ce n’est pas intégral mais suffisamment beau pour en éprouver du plaisir. Pendant ces quelques mois de bonheur d’autres rencontraient de sérieux problèmes de coupures, de résonance, d’incompréhension , je n’y suis pas restée insensible, j’étais frustrée de ne pas partager ma joie.
Me voici confrontée à un problème tout autre en mars 2003, celui du volume de mon appareil qui augmente sans cesse et je me vois diminuer tous mes réglages par le Dr Fugain. Je ne comprenais plus rien seul ce volume insupportable qui ne me permet plus de comprendre ni la parole, ni la musique. Je retourne mon contour au laboratoire MXM en juillet 2003 et tout le monde œuvre pour en trouver la raison. De longs mois à attendre dans mon fauteuil, j’étais à nouveau dans une bulle où l’on pouvait à peine respirer, c’était désarmant. Je ne pensais qu’à une chose : réentendre !


Heureusement quelques jours avant Noël, l’ingénieur de MXM me fait passer un nouvel examen qui lui permet de déceler une ossification de la masse du récepteur ce qui empêchait le bon fonctionnement de mon implant. En l’absence de problèmes pathologiques tout est alors possible pour une réimplantation, il me propose également le MXM Digi SP qui bénéficie d’une technologie toute nouvelle. Nous nous sommes expliqués longuement sur ce nouvel appareil, j’étais alors convaincue qu’il était plus performant et surtout je pouvais récupérer mon programme de réglage intégralement que j’avais travaillé avec le Dr Fugain. Tout était possible et tout se prêtait à une meilleure audition. A partir de ce moment j’étais entièrement rassurée et j’étais prête pour ma seconde implantation.
Le professeur Meyer fixe la date : le 24 décembre 2003. Juste le temps d’expliquer à mes enfants et ma famille que ce Noël sacrifié était vital… L’opération s’est très bien passée, le soir même je marchais dans ma chambre. Le 31 décembre le Dr Fugain effectue les premières stimulations et me réinstalle l’intégralité de mes réglages précédents, je comprends tout avec une voix un peu nasillarde. J’étais très surprise car ça ne m’était pas arrivé à la première implantation d’entendre immédiatement la parole. Quatre réglages suffiront pour retrouver toutes les performances de mon implant avec une amélioration acoustique considérable.

Voilà deux ans enfin que je savoure mon bonheur, je revis pleinement, bien que dans certaines situations cela reste encore difficile mais c’est tellement mieux que de vivre dans l’incompréhension et l’isolement.

J'ai du mal comprendre que certains soient hostiles à une réimplantation lorsqu’on leur propose, pour moi c’est une chance inouïe. Je n’ai pas hésité et j’ai pensé à toutes ces années que j’avais encore devant moi pour partager des moments intenses avec mes enfants, ma famille, mes amis, il serait regrettable d’avoir peur du progrès et de renoncer à entendre.

Je n’a i pas à me substituer aux analyses et aux recommandations d’un docteur spécialisé, mais il faut être conscient que chaque cas de surdité est différent et chacun peut vivre différemment ces expériences.
Tout simplement un peu de raison, de courage pour un choix décisif à l’heure où le monde prône la communication, il serait dommage de rester exclu de la société pour ne pas avoir emboîté le pas au progrès médical et technologique. Certes ce n’est pas une audition entièrement récupérée et les résultats peuvent varier suivant les individus, mais l’implant cochléaire est une chance inestimable pour les sourds profonds ou totaux, il faut croire à tout ce qu’il apporte dans une vie.

Sophie JOUON-ROUSSEL

Complément en avril 2011

Il y a dix ans, je tentais ma chance et me lançais dans une grande aventure pour redécouvrir le monde sonore autour de moi ..! Après avoir vécu deux implantations (2001-2003), j'ai pu bénéficier de quatre processeurs différents (boîtier Digisonic,digi sp Mxm) , chaque fois plus performants et depuis janvier 2011 du tout nouveau SAPHYR de NEURELEC; quatre programmes de très haute définition dont un avec boucle magnétique intégrée et fourni avec un coffret d'accessoires très utile et très complet. Dés les premiers instants, sans même avoir changé les réglages initiaux de mon précédent processeur, j'ai pu découvrir la voix du Dr Fugain avec un timbre profond, vibrant, en relief... Ca été pour moi , l'émotion intacte ...!
J'ai pu ressentir une grande différence et un réel progrès aussi pour écouter la musique et utiliser la boucle magnétique au cinéma.
Le son est d'une extrême finesse et me rend encore plus sensible...
En ce qui concerne le changement de mon nouveau processeur, je ne me suis occupée de rien , d'une part  mon constructeur d'implant m'avait mis à disposition un appareil de prêt puisque mon processeur s'est éteint de vieillesse après sept années, d'autre part,  mon centre d'implantation( hôpital Beaujon) a fait le nécessaire pour la prise en charge qui est acceptée maintenant, là aussi c'est un progrès!
Quelques mois mois d'attente certes, je ne regrette rien car c'est encore plus beau ce que j'entends aujourd'hui...! A un tel point que j'envisage une future implantation en bilatérale dans un avenir proche avec beaucoup plus de sérénité et plus de confiance...
Si le progrès technologique et médical ont beaucoup évolué depuis dix ans, le CISIC, lui, a largement oeuvré pour informer , améliorer les relations dans les centres d'implantations, et surtout, apporter un grand soutien psychologique auprès des futurs implantés .
Toute ma vie, j'ai lutté contre la surdité, chaque fois , j'ai emboîté le pas à des technologies nouvelles pour ne pas subir l'exclusion et le silence... Chaque fois, j'ai redécouvert un monde sonore qui me remplissait de bonheur...!

A chacun aujourd'hui, de choisir d'entendre, et, de vivre pleinement...

Sophie Jouon-Roussel