"Depuis plusieurs années, je suis suivi pour une maladie de Meinière bilatérale."

Je m’appelle Jean Jacques Wolff, implanté le 19 novembre 2002 à l’hôpital Saint Antoine par le Professeur Meyer. Voici mon témoignage:

Depuis plusieurs années, je suis suivi par le Professeur Meyer pour une maladie de Meinière bilatérale. Cette maladie se caractérise par des vertiges, surdité et acouphènes (hallucinations sonores, 24 heures sur 24, 365 jours par an) ce qui altère la qualité de mon audition et cette situation devient très vite insupportable.

D’appareillage en appareillage, nous ne pouvions que constater une dégradation constante de mon état auditif et une intensification de mes acouphènes avec des vertiges de plus en plus fréquents ce qui occasionnait des séjours à l’hôpital (toujours traumatisants ! )

Mon oreille gauche est devenue complètement sourde et celle de droite a un potentiel très faible.

En septembre 2002, devant ces échecs constants et la baisse de mon moral, le Professeur Meyer me proposa l’implant cochléaire. Je n’avais, jusqu’à ce jour, qu’une vague idée de ce que pouvait être cette intervention.

Après divers examens médicaux (scanner, IRM, etc…) et plusieurs entretiens, la date du 19 novembre 2002 fut retenue. Entre inquiétudes et espoirs, je suis resté deux mois à essayer de m’informer, de peser le pour et le contre (ne sachant pas réellement où j’allais !) et de me dire que de toute façon « les dés étaient jetés ! ». Alors… Wait and see ! !

Le 18 novembre, je suis arrivé à l’hôpital Saint-Antoine à l’heure dite : 16 heures. J’ai été accueilli par une infirmière qui me montra tout d’abord ma chambre et qui me fit un exposé très détaillé de la façon dont le « programme » allait se dérouler. Tout cela, je dois dire, m’a vraiment mis en confiance et très vite mon appréhension s’est transformée en une quiétude qui, pour la circonstance, était la bienvenue.

Le matin suivant c’était le jour J. J’ai suivi les instructions données la veille et me suis dirigé avant toute chose sous la douche pour me laver avec un produit de couleur jaune ou marron (?) qui, en fait, sert à désinfecter le corps. Ensuite, un brancardier est venu me chercher pour m’amener à la salle d’opération. Et c’est là que j’ai vu le Professeur Meyer dans son habit de chirurgien et qui, a trouvé les mots apaisants pour me rassurer un maximum. Et puis, avec l’effet du produit de l’anesthésie, je me suis endormi.

J’étais encore dans la salle d’opération quand je me suis réveillé, je ne ressentais pas de douleurs excessives malgré un énorme pansement qui m’enveloppait la tête. Mon esprit était très clair… J’étais bien !

Je fus ramené dans ma chambre et je me suis endormi de nouveau pour quelques heures encore. De temps en temps, j’étais réveillé par une infirmière qui me prenait la tension artérielle et me donnait des comprimés à prendre en cas de douleurs.

Les jours passèrent et la crainte de crises de vertiges aussi. Cela m’a beaucoup aidé moralement de ne pas en avoir et je sais que j’ai eu de la chance, car de nombreux témoignages affirment le contraire. Mais là aussi, on m’avait prévenu du risque et que cela pouvait durer quelques jours… Ouf ! !

Quelques jours après l’opération, le Docteur Fugain a fait un premier réglage de mon appareil (il en y aura bien d’autres) et là, je dois dire que l’émotion est grande de pouvoir constater que CA MARCHE ! On y croit sans y croire, on regarde tout le monde pour essayer de partager CE moment et on se rend très vite à l’évidence que, et bien… OUI ! C’est vrai, on entend. Oh bien sûr, ce n’est pas parfait, ce n’est pas comme une vraie oreille, mais quel bonheur ! J’avais envie d’embrasser tout le monde.

Dix jours d’hospitalisation et me voilà de retour à la vie « normale » avec comme seul souvenir visuel une très belle cicatrice sur le crâne et un badigeonnage rouge de Mercurochrome… Effets garantis, aux dires de ma voisine que j’ai rencontrée juste à ma sortie de l’hôpital, et qui me regardait avec ses yeux grand ouverts en se demandant d’où je pouvais bien venir ! J’ai dû tout lui expliquer. Au fond de moi-même, j’étais tellement heureux que tout se soit bien passé que cette situation me faisait rire.

Trois semaines plus tard, j’ai commencé ma rééducation orthophonique avec le Docteur Fugain. Au début, elle dit des mots, les répète, on essaye de comprendre. C’est dur ! Mais très vite, on passe des mots à des phrases courtes, puis de plus en plus longues et on comprend de mieux en mieux. Aujourd’hui, après quelques semaines de ce travail intensif, les longs articles de presse sont notre lot et nous nous permettons même d’avoir des discussions sur différents sujets, cela fait aussi partie de cette rééducation. Je voudrais simplement lui dire : « Docteur Fugain… vous êtes formidable ! ». Je commence aussi à pouvoir écouter le son de la télévision et celui du téléphone, mais là je réserve encore un peu le…résultat.

Quatre mois se sont écoulés depuis mon opération, je peux faire un premier bilan, tout en sachant qu’il évoluera au fil du temps. Ma surdité n’est pas classique, de par la maladie qui la provoque. Pour rester logique, je vais différencier les effets de mon implant cochléaire premièrement sur le plan de la surdité et deuxièmement sur celui des acouphènes.

La surdité

Auparavant, avant l’implant, ma seule oreille droite travaillait , ce qui avait comme désastreuse conséquence qu’au bout d’une heure, il ne m’était plus possible de suivre une conversation. Cela signifiait aussi un redoublement en intensité de mes acouphènes. C’était insupportable et je le vivais de moins en moins bien ! Aujourd’hui avec cet implant, ma famille, mes ami(e)s, mes connaissances… sont émerveillés (le mot n’est pas trop fort) de constater les progrès, de pouvoir à nouveau discuter et partager les émotions sans pour cela être sans arrêt obligé de mettre ma main à l’oreille pour capter le son et de faire répéter à outrance pour une compréhension… moindre. Je suis moi-même enchanté de ce bienfait, c’est… SUPER ! !

Les acouphènes

Autant le résultat positif sur la surdité est incontestable autant celui sur les acouphènes reste, que pour le moment je l’espère, sans progrès réels. Pire, de nouveaux sont nés (que je n’avais pas avant l’opération). Par exemple, si je me trouve dans un endroit bruyant, le port de mon appareil ne peut être trop long, car les acouphènes redoublent d’intensité au point d’être plus puissants que l’appareil lui-même. A ce moment là, je n’entends plus qu’eux et en plus ils deviennent « synthétiques » comme la reproduction du son de l’implant. Curieux ? Non… Meinière ! Par contre, quand je porte mon appareil et que tout se passe bien (acouphènes pas trop forts), je peux constater qu’ils sont recouverts et que c’est uniquement le son réel que j’entends. Mais dès que je le retire, inexorablement, ils réapparaissent aussitôt.

J’ai essayé d’être le plus clair possible pour partager mon expérience avec ceux déjà implantés et surtout encourager dans leur décision ceux qui ne le sont pas encore. Malgré les imperfections, les souffrances, le dur travail de rééducation, c’est une expérience absolument fabuleuse et positive. Il serait dommage de ne pas en profiter pour votre entourage et surtout pour vous-même….

Mon slogan : « L’Implant Cochléaire ou ne plus être seul(e) avec soi-même ».

A ceux qui restent sceptiques, je voudrais simplement dire que ma vie a été faite de beaucoup de voyages. Je suis parti une année en Asie du Sud-Est, j’ai côtoyé la misère, j’ai vu des enfants se battre pour un malheureux morceau de savon (malheureux pour nous… un grand luxe pour eux ! ) C’est pourquoi, même si ce n’est pas parfait, je ne peux m’empêcher de penser à tout cela et de me dire : « JJ, tu as vraiment de la chance ! ». Je souhaite pouvoir faire partager ce sentiment.

Pour terminer mon témoignage : ce résultat n’aurait pu être obtenu sans la collaboration étroite de l’équipe de l’Hôpital Saint-Antoine…. Professeur Bernard Meyer, Docteur Claude Fugain, Lucille Monnerot, Anne Dominique Leveau, les infirmières, le personnel de salle… Sans oublier Catherine qui, avec cette bonne idée de la création de l’association CISIC, nous permet d’être ensemble, de mieux nous connaître, de nous soutenir dans les moments délicats et de partager ceux qui sont heureux. A vous tous un GRAND MERCI !

Jean Jacques, Mars 2003, Paris.