"Mes difficultés auditives remontent, d'après les spécialistes, à l'âge de 6 ou 7 ans"

 

Je m'appelle Corinne, j'ai 44 ans. Si j'ai longuement attendu pour écrire ce témoignage sur le site du CISIC, c'est qu'avant tout, ils sont nombreux, et ils paraissent tous se ressembler, même si chacun d'entre nous (implantés cochléaires), avons notre propre histoire avec la surdité. Je voudrais faire de mon récit en premier lieu une marque profonde de reconnaissance, de remerciements, à tous ceux qui directement ou indirectement (professeurs, techniciens, chercheurs ou chirurgiens) mettent leurs compétences au service de ceux qui comme moi ont sombré peu à peu vers une surdité sévère avant d'être pris en charge par le corps hospitalier.

Voici en quelques mots ma vie avant et après l'implant pour peut-être contribuer modestement à donner la force et la volonté à tous ceux qui rencontrent le même handicap que moi, et leur dire qu'il ne faut jamais baisser les bras : leur jour viendra .

Mes difficultés auditives remontent, d'après les spécialistes, à l'âge de 6 ou 7 ans. Difficultés tout naturellement compensées par la lecture labiale. A l'âge de 16 ans, l'apprentissage de l'anglais par la méthode audiovisuelle devenait bien compliqué. Des tests auditifs se sont imposés aux yeux de mes professeurs du lycée. Verdict : Atteinte bilatérale de perception sur les fréquences aiguës et moyennes.

A l'époque, en 1979 , les appareillages classiques ne m'auraient été d'aucune utilité, et j'ai poursuivi mon chemin, non sans mal à l'école. Bac de sciences économiques en poche, je me suis inscrite à l'université où les difficultés grandissaient avec la dégradation progressive de mon audition. Avec courage, travail et persévérance, j'ai obtenu une licence. J'ai souhaité en rester là.

Quelques années plus tard, la maternité s'imposait à respectivement 32 et 35 ans, avec à chaque fois une aggravation de la surdité . J'ai alors fait l'acquisition de prothèses auditives, mais elles ne m'étaient pas d'un grand secours. Il m'a fallu une rencontre inattendue, pour que ma vie bascule vers l'implant cochléaire. Celle d'une jeune fille née sourde qui est devenue ma locataire et qui me mettait sur la voie de l'implant qu'elle même possédait unilatéralement. Je décide sur ses conseils de me renseigner auprès d'un professeur bordelais. Il fait le choix, sans hésiter, de m'opérer, et de m'équiper bilatéralement d'implants cochléaires. Je suis ainsi devenue l'une des toutes premières patientes à pouvoir bénéficier d'une telle technologie. Oubliés aujourd'hui, les moments difficiles de la période post opératoire, comme ces premiers bruits que l'on entend après le premier réglage et qui ne ressemblent en rien à ceux que j'imaginais depuis ma bascule dans le monde du silence. Désormais, ma vie a considérablement changé, elle est pleine de couleurs, de joie de vivre, et d'envies de rattraper un peu le temps perdu. C'est la vie qui s'est éveillée pour moi seulement quelques semaines après les premiers essais avec l'orthophoniste. J'entends aujourd'hui le bruit de l'eau qui coule, les feuilles mortes en forêt qui craquent sous mes pas, j'entends les « bips » émis par les codes barres qui glissent aux caisses des magasins, les alarmes, les clignotants de ma voiture. Bref, autant de bruits sans doute que toutes les personnes qui m'entourent . Je suis épanouie et très à l'aise dans cette nouvelle vie que l'on m'a proposé à l'aube de mon 40ème anniversaire. Je ne regrette rien de ce monde triste dans lequel j'ai été plongée malgré moi . Alors, à vous qui hésitez encore et qui lisez quelques témoignages afin de vous faire votre propre idée, je voudrais vous dire que vous n'avez rien à perdre mais tout à gagner dans cette technique médicale si elle vous est conseillée. Osez franchir le pas, c'est une belle aventure qui tous les jours vous mènera vers des sensations nouvelles ou oubliées. Quel bonheur de pouvoir aussi renouer avec l'écoute de la musique ou l'usage du téléphone !

Merci encore à mon Professeur Bordelais qui m'a fait confiance et n'a pas hésité à me sélectionner pour cette belle aventure au pays des sons mais aussi des lumières qui brillent désormais dans mon regard . J'écris aujourd'hui ce témoignage dans le train qui me conduit vers un hôpital Parisien pour y subir un IRM fonctionnel en rapport avec le devenir de l'implant bilatéral. J'espère ainsi pouvoir (à mon niveau ) contribuer à la généralisation, dans les années à venir de cette technique encore trop coûteuse lorsqu'elle est pratiquée bilatéralement.

Que « mon petit pas » vers ce Centre des Sciences du Vivant se transforme un jour en un grand pas de franchi, pour tous ceux qui comme moi ont souffert des années durant de leur handicap et de leur marginalisation au sein de notre société basée sur la communication : Telle est ma volonté.

 

Corinne.