Sylvie V. de Colmar (Alsace), 41 ans, implantée le 11 septembre 2008 au CHU Hautpierre de Strasbourg après 31 années de surdité.

(Système Nucleus Freedom - Cochlear)

Ma surdité évolutive date depuis ma naissance puisque l'oreille gauche n'a jamais entendu. Mes parents s'étaient aperçus à l'âge de 2 ans que mon audition était déficiente et que j'avais quelques défauts de prononciation. Malgré les consultations auprès de spécialistes, aucun professionnel n'a voulu reconnaître que mon problème de prononciation venait de ma mauvaise audition. Les années passèrent et c'est en septembre 1977 (âgée de 10 ans) que mon audition s'aggrava subitement.

 

sylvie_VQuelques mois auparavant, je m'étais plainte d'un bruit qui ''bourdonnait'' dans l'oreille droite, mais là encore personne ne m'avait prise au sérieux ! Du jour au lendemain, en me levant un matin, j'étais devenue sourde. J'étais plongée dans le monde du silence le plus complet et je ne percevais plus aucun son. Je regardais bouger ce qui m'entourait comme si j'étais devant un film muet de Charlie Chaplin. Je me sentais complètement isolée et différente des autres. Tous les examens pratiqués n'arrivaient pas à expliquer la cause et personne ne comprenait ce qui m'arrivait. Le premier diagnostic a été très dur à digérer pour mes parents qui ont été sidérés :

 

'' nerf touché, aucune solution pour sauver ou réparer son audition ; votre fille restera sourde à jamais, toute sa vie !''.

 

Les médecins ont alors proposé de m'appareiller pour ''percevoir des sons et faire travailler l'oreille'' avec des appareils auditifs qui ne m'apportaient pas grand chose car la perception de la parole était très aléatoire. J'ai développé la lecture labiale avec l'orthophoniste. C'est ainsi qu'avec des années de travail, je suis devenue une vraie experte. En fait, je n'entendais qu'avec mes ''yeux''. Mon handicap était totalement invisible car j'avais une bonne élocution.
Ma déficience auditive m'isolait très souvent et me privait de beaucoup d'activités : écouter la musique, étudier un instrument de musique, aller au cinéma, téléphoner, partager certains jeux de société avec les autres, etc... J'étais frustrée et j'en voulais parfois à mes oreilles de ne pas être comme celles des entendants. Il a fallu mettre en place de nombreuses stratégies dans les situations pour parvenir à faire comme les entendants. Grâce au soutien de mon orthophoniste, et de ma famille, j'ai fait tout le cursus scolaire dans le milieu ordinaire jusqu'au Bac.

 

Il a fallu que je travaille doublement par rapport à mes camarades. Certains enseignants jouaient le jeu, d'autres disaient que ma place était dans un établissement spécialisé et que je pouvais mettre une croix sur mon avenir professionnel, aucune porte me serait ouverte quant à une insertion professionnelle !!

Décidée à me battre ; grâce à ma ténacité et à mon énergie ''à revendre'', je suis parvenue à obtenir mes diplômes dans le domaine de la comptabilité et je suis entrée dans la vie active en 1993 en tant que technicien administratif dans le secteur médico-social.

 

En 2007, m'apercevant que ''les restes auditifs'' devenaient de plus en plus catastrophiques, je décide de consulter un autre spécialiste ORL. La rencontre avec le nouveau spécialiste a été très déterminante. Surpris de mon parcours exemplaire et de ma surdité totale depuis plus de 30 ans, il me parla de l'implant cochléaire dont j'étais une candidate idéale. Avec mon accord, il m'envoya à Strasbourg au CHU de Hautepierre.

 

L'aventure débuta en mars 2008 ; j'étais loin d'imaginer que j'allais vivre une aventure extraordinaire. La proposition de l'implant cochléaire m'a été faite. J'ai saisi cette chance et pris la décision de réaliser le projet d'entendre enfin comme les entendants. Bien sûr, ce n'était pas facile de prendre une telle décision pour une intervention qui paraissait très complexe, d'une extrême précision et qui comportait un risque de paralysie faciale. Après tout, je n'avais absolument rien à perdre comme le disait les professeurs. C'était maintenant ou jamais ! Entendre ou continuer à vivre dans le monde du silence. L'opération s'est déroulée dans de bonnes conditions le 11 septembre 2008.

 

Depuis le 10 octobre 2008, jour inoubliable et date de la première activation de l'implant, je perçois les premiers mots :  ''alors, Sylvie, vous m'entendez ?''.

 

Je répondis ''oui !''    toute étonnée et émotionnée de ces premières perceptions.

 

Un vrai miracle ! L'implant cochléaire, qui est une merveilleuse technologie innovante grâce aux génies qui ont sans cesse fait un travail de qualité, donne un autre sens et une autre qualité de vie. Je peux vous donner des exemples de ce que j'entends maintenant réellement : la parole, l'eau, les pas marchés, les chuchotements, la musique, les feuilles, le vent, la pluie, les oiseaux, le chat qui mange ses croquettes, le clignotant de la voiture, l'horloge, ... etc. Je perçois les pleurs des enfants alors que je n'avais jamais entendu mes deux filles. Je peux communiquer au téléphone, participer à des réunions de travail, suivre une conversation, suivre les informations à la télévision (sans télextexte), écouter la radio, la musique ...... Tous les jours, je sens les progrès. Toutes ces situations étaient missions impossibles à percevoir avant !

 

Aujourd'hui, j'exprime et vous fais partager ma joie et ma renaissance.
Je me sens comme un oiseau qui sort de cage et qui découvre la liberté..... chaque jour est pour moi une découverte et une aventure !

J'ai repris mon activité professionnelle deux jours après le branchement. Ma famille, mes amis, et mes collègues, n'en reviennent pas de ma progression tous les jours.

 

Grâce à l'implant, ma vie est complètement changée et elle est plus confortable :  j'ai pris beaucoup plus d'assurance et je gagne énormément en autonomie.  La perception des mots entrent dans l'oreille comme on ouvre un robinet pour avoir de l'eau. Je suis décidée à rattraper tout ce que j'ai raté dans ma vie antérieure : concert, théâtre, musique...... Ce fût une grande émotion de réentendre les chansons des chanteurs que j'avais entendus dans mon enfance dans les années 1970 : Santiano, Alexandra-Alexandrie, l'Eté indien, Permettez Monsieur.., Le plat pays, Comme d'habitude, C. Jérôme c'est moi, Ne me quitte pas......

 

La rééducation chez l'orthophoniste des sons n'a évidement pas été facile car il faut réapprendre comme un petit enfant à entendre et à travailler avec sérieux les sons, à persévérer et à se détacher de la lecture labiale.

 

*Témoignage d'un cadre dans mon milieu professionnel :

«Sylvie avait développé de telles compétences au niveau de la lecture labiale, avec une bonne élocution jusqu'à faire oublier à son entourage qu'elle était sourde. Les remarques étaient quelquefois déplacées ou décalées par rapport à son handicap car elle était dans l'obligation de tout entendre ''comme tout le monde''. L'intervention a été une vraie révélation de l'importance de sa surdité et du déni de son entourage. Sa joie a été communicative. Elle a pu parler des réelles difficultés, des obstacles rencontrés dans sa vie et surtout de son envie de partager avec le monde des entendants. Aujourd'hui, elle arrive à moduler sa voix et à suivre une conversation, à téléphoner aux familles des jeunes accueillis à l'établissement, à rédiger le compte rendu de réunions. Je salue son courage, sa détermination, sa volonté. J'aime à lui dire qu'elle fait partie des personnes à haut potentiel (extraordinaires et si humaines), tant au niveau de ses performances intellectuelles, ses compétences professionnelles, ses capacités adaptatives, sa générosité, sa beauté intérieure. N'est ce pas en partie le potentiel des personnes hors normes ? ».

 

Il faut rester conscient que l'implant ne marche pas pour tout le monde comme si on allumait la lumière. Chaque personne est différente avec sa pathologie auditive, un vécu et une histoire. Il faut une grande dose de motivation et d'investissement personnel.

Enfin, la progression avec l'implant peut être différente d'une personne implantée à une autre. Ainsi, je conseille de ne pas se comparer aux autres et de garder une grande patience pour ne pas se décourager !

L'amélioration de mon audition n'aurait été possible sans le concours et le soutien de toutes les personnes qui sont intervenues et ont accompagné mon parcours d'implantation qui a changé ma vie. Ainsi, je tiens à remercier tout particulièrement :

     

  • Toute ma famille et mes amis pour leur soutien et leur amour.
  • Docteur Raft que je ne remercierai jamais assez de m'avoir orientée, soutenue sur ce chemin et d'avoir rendu ma vie plus confortable.

  • Docteur Fiat, mon médecin traitant, pour les nombreuses démarches.

  • Les Professeur Debry, Docteur Levy ainsi que l'équipe pluridisciplinaire, d'avoir pris cette décision de l'implant pour m’aider à retrouver le sourire, la joie de vivre et me sortir de mon enfer ; Mme Herry Alexandra, règleur, et sans oublier personne toute l'équipe du service d'audiologie de Hautepierre pour leur disponibilité, leur gentillesse et leur professionnalisme.

  • Mme Mercklé Caroline, orthophoniste, pour son extrême patience, son amabilité et pour son grand professionnalisme.

  • Les chercheurs, les ingénieurs, la science, mais aussi le savoir-faire de ces magiciens qui cherchent à améliorer nos oreilles déficientes.

  • La société Cochlear qui a produit l'implant que je porte.

  • Sophie L. et Jean-Pierre C. (implantés depuis plusieurs années) que j'ai rencontrés avant mon implantation et qui m'ont convaincu d'entrer dans cette formidable aventure.

  • La direction de l'établissement auquel je travaille et mes collègues pour leurs

    encouragements et leur patience.

J'espère que mon témoignage motivera les futurs implantés et je leur souhaite bon courage dans leur cheminement.