Mon témoignage d'implanté cochléaire récent peut-il servir à quelqu'un ou plus prosaïquement à quelque chose ? Je me suis longuement posé la question et, si je vous le livre dès à présent, ce n'est pas pour servir d'exemple -chaque cas est individuel et ne peut guère être transposé- mais plutôt à titre informatif, chacun y puisant ce qui l'intéresse.

Je m'appelle Georges, j'ai actuellement 61 ans et vit en Corrèze. J'ai été opéré le 02 septembre 2011 par l'équipe du Professeur Jean-Pierre BEBEAR (dont je veux saluer ici le professionnalisme), au centre François-Xavier Michelet de l'Hôpital Pellegrin de Bordeaux. Je peux affirmer à ce jour que cette opération a été, me semble-t-il, une parfaite réussite technique. Les périodes pré et post-opératoires se sont déroulées sans aucun souci particulier à ma grande satisfaction et l'intervention chirurgicale en elle-même paraît avoir été de routine. La pose de l'appareil externe et la première activation ont eu lieu le 03 octobre, je suis depuis cette date en phase d'affinement du réglage du Saphyr SP, période qui risque de se prolonger encore quelques mois et durant laquelle il faudrait se montrer à la fois patient et volontariste.

C'est le professeur René Dauman du CHU qui m'a convaincu en début d'année 2011 d'avoir recours au procédé d'implantation afin de contrecarrer une situation auditive qui se dégradait de mois en mois. Un petit aperçu du passé (ou du passif ?) est nécessaire pour mieux comprendre. Mes ennuis auditifs ont débuté voilà plus de 35 ans et se sont temporairement conclus par un diagnostic d'otospongiose bilatérale, doublement opérée avec succès sur le moment. Environ 5 ans plus tard, perte progressive et totale de l'audition à l'oreille gauche, classée définitive par un praticien de la clinique Jean-Causse de Béziers qui se bornera à tenter de protéger l'audition de l'oreille droite. Mission réussie jusqu'en 2008 où cette audition va commencer à fluctuer et baisser inexorablement et dangereusement par paliers, malgré des semaines d'hospitalisation pour traitements thérapeutiques tant à Brive qu'à Béziers, ceci malheureusement sans résultats convaincants. Un semestre de vertiges giratoires et d'intenses acouphènes ont laissé penser à un syndrome de Ménières, mais sans certitude aucune. C'est alors que je me suis tourné vers les spécialistes de Bordeaux pour tenter de trouver une parade à une surdité, que je sentais insidieusement venir de manière totale.

Une fois la décision prise (cela a été très rapide, il me semblait que c'était l'opération de la dernière chance !), la période pré-opératoire a été rythmée par les examens habituels dans cette situation, examens pratiqués à l'hôpital bordelais (audiométrie, VNG, IRM , scanner, rencontres avec l'orthophoniste, la psychologue, le chirurgien chargé de la pose des électrodes, et bien sûr l'anesthésiste). Ce qui a caractérisé cette période c'est ce double sentiment ambivalent d'impatience, de temps qui semble vous filer entre les doigts et s'éterniser avant la date fatidique de l'intervention, mais aussi de craintes assez légitimes. L'opération s'est déroulée au mieux selon J.P. BEBEAR et sans aucune suite dommageable, si ce n'est une aggravation temporaire des acouphènes durant le premier mois avant disparition quasi totale à gauche (quelques « bruits » resurgissaient de temps en temps, mais moins intenses qu'auparavant), une insensibilité du haut du pavillon auriculaire qui persiste encore à ce jour. La douleur a toujours été maîtrisée et s'est limitée à quelques céphalées de faible amplitude dont il n'est pas certain qu'elles aient été en rapport avec l'opération.

Finalement, l'attente de l'optimisation des réglages successifs semble être, psychologiquement parlant, la plus difficile à subir. Non pas les opérations techniques auprès de l'audioprothésiste attitré, assez rapides, peu explicatives malgré tout et dont la seule contrainte est un déplacement de plus de 200 kilomètres à chaque séance. Non, le plus difficile depuis une année est de réapprendre à entendre avec une oreille « absente » depuis près de 30 ans et un cerveau qui doit « enregistrer » une multitude de sonorités oubliées depuis longtemps. Double travail pour lui et autant d'efforts supplémentaires qui justifient qu'un an après la première activation du processeur, je n'ai pas encore atteint toute la potentialité de l'implant. On peut maintenant considérer que l'acte chirurgical est un réel succès. Mais la masse de bruits auditionnés a beaucoup de peine à être triée, sélectionnée et répertoriée au niveau cérébral, la qualité de l'audition n'est donc pas encore au rendez-vous, notamment au niveau de la voix humaine dont il me semble mieux percevoir la plupart des aigus que les graves. Malgré une séance hebdomadaire d'orthophonie jusqu'à fin mars 2012, cette difficulté de netteté auditive me pose problème lorsque je dois suivre un échange oral, surtout si des bruits parasites viennent se superposer dans la conversation, et dieu sait si j'en ai découvert une quantité invraisemblable! Et pas seulement en milieu bruyant (rue, réunion publique avec sonorisation, supermarché, climatisations en tout genre, j'en passe et des meilleures...) Ah, ces « doux » bruits que constituent encore un liquide qui coule, une mobylette ou un tracteur qui démarrent au carrefour, du plastique que l'on froisse, voir le fond sonore de ma propre respiration ou simplement le vent ! Alors qu'il m'avait été laissé entrevoir 6 mois d'efforts pour l'adaptation, je pense (comme me l'a laissé entendre le Docteur P. à la Clinique Jean-Causse de Béziers, consulté dans le cadre de mon oreille droite probablement atteinte de Ménières) qu'il me faudra doubler, voir peut-être tripler, cette période d'acclimatation à l'audition numérique. Mais sachant que cette oreille gauche est repartie de zéro, je pense en mon âme et conscience que je ne dois pas jeter l'éponge et poursuivre sur le chemin, difficile sans doute, parsemé de nombreux instants de découragements mais cependant motivant lorsqu'on s'est fixé comme objectif une audition régénérée et la moins absurde possible, de ce côté-ci du moins. Autre point gênant actuellement : la réapparition des acouphènes à gauche depuis cet été, surtout dans la position couchée, alors que le chirurgien m'avait prédit la disparition de ceux-ci. Mais il s'agit d'un désagrément mineur, surtout sensible dans un grand silence, ce qui arrive rarement durant la journée.

Tout ceci ne constitue qu'un modeste témoignage individuel, qui n'a, je le répète, aucune valeur d'exemplarité, qui doit être pris pour ce qu'il est : l'expérience d'un individu pour le retour d'une oreille « morte » dans le monde des mieux-entendants, avec tout ce que cela comporte de difficultés, d'espoirs mais aussi de moments de doute, heureusement passagers.
GEORGES ALUNES
Implanté à gauche le 2 septembre 2011 au CHU Pellegrin (centre F.X. MICHELET) de Bordeaux