Jeune implanté cochléaire de 83 ans,
Malentendant depuis mon enfance suite à une otite bilatérale mal soignée (1940), j’ai pu malgré tout avoir une vie sociale, scolaire, professionnelle, quasi normale grâce à un environnement un peu protecteur et surtout une farouche volonté de m’intégrer .La lecture labiale est ma deuxième langue maternelle.

Lors de mes études universitaires, je me plaçais le plus souvent en haut de l’amphithéâtre afin d’avoir une vue plongeante sur les lèvres du conférencier sans avoir à lever la tête ... A l’aide de prothèses auditives classiques mais puissantes, j’ai pu exercer quasi normalement mon métier d’ingénieur dans une grande entreprise clermontoise.
A la retraite depuis plus de 25 ans, la dégradation auditive s’est poursuivie (surdité profonde, perte de 130 dB à 3000 hertz) au point de ne plus pouvoir maîtriser l’effet Larsen (sifflements) malgré les progrès techniques et la patience de Thierry H. audioprothésiste. De plus, je devenais incapable de participer à des discussions de groupe.

J’ai pris connaissance de cette technique chirurgicale au début des années 80. Je ne me sentais pas concerné songeant plutôt aux cas de surdité totale et nécessitant un réapprentissage complet de l’audition. Une conviction s’impose à moi : l’intervention est mutilante (plus d’oreille moyenne) et irréversible (pas de retour en cas d’échec).

Un entretien avec le Professeur Paul AVAN : à la vue de mon audiogramme, l’implantation lui parait évidente malgré mon âge. Il suffit de vérifier ma bonne santé physique et psychique et il me donne l’espoir de comprendre enfin la langue anglaise (cauchemar de ma vie professionnelle).

C’est le premier déclic. Je me remets en cause.

Je rencontre d’autres implantés : Nadine R., Gilles M., Jean-Louis B.et surtout Ghislaine L. laquelle, au cours d’une conférence, m’impressionne par son aisance à dialoguer avec l’intervenant .Elle était derrière moi dans la salle. Moi-même, tout devant, et je n’arrivais pas à comprendre.

C’est le deuxième déclic. La décision est presque prise, malgré une pointe d’inquiétude de ma famille habituée à mon handicap et l’acceptant bien.

Je rencontre le Professeur MOM. Il me confirme la possibilité d’entendre des fréquences inconnues.
Il accepte de m’implanter l’oreille droite, celle qui a la plus mauvaise réponse avec une prothèse classique. Cela me rassure car je garderai une ‘’ roue de secours’’ avec l’oreille gauche. Il me propose un processeur sous forme d’un gros bouton maintenu sur le crâne par aimantation, sans contour d’oreille, plus pratique et plus esthétique .La décision est prise. Je subis de très nombreux examens médicaux, y compris avec un gériatre (absence de la maladie d’Alzheimer). L’opération chirurgicale a lieu le 30 avril 2019 sous anesthésie générale, en ambulatoire .C’est une simple formalité. Opéré le matin, sorti en fin d’après-midi, aucune douleur ... L’activation des électrodes par Dominique M. a lieu début juin. Je suis surpris d’entendre et de comprendre malgré encore la faiblesse du réglage qui sera progressif. Au mois de juillet, j’entends le tic-tac de ma montre, les pas de ma chienne, le smartphone posé directement sur le processeur, sans accessoire (ni boucle magnétique, ni Bluetooth) .Bien sûr, les voix sont métalliques, sans timbre,
je m’habitue. Lors des déplacements en automobile, je peux maintenant discuter avec mes passagers sans lire sur les lèvres. Les séances d’orthophonie avec Camille C. sont intenses (3 fois par semaine, 1 an) deviennent un jeu. Si le malentendant classique doit apprendre la lecture labiale, j’en suis au point d’essayer de l’oublier par des exercices, j’écoute en fermant les yeux... (mule, nul, lune,...mage, nage, l’âge,.. etc. ).

Il faut trouver des textes compliqués à écouter et à déchiffrer afin de piéger la suppléance mentale. Tout n’est pas encore parfait, je dois travailler, me concentrer. Une amie répète les séances à domicile. Je ne regrette pas ma décision. Maintenant, faut-il implanter l’autre oreille ? Réponse dans quelques mois. Au moins pour retrouver la stéréophonie...

Malentendant sévère de tout âge n’attendez pas d’avoir 83 ans pour recevoir un implant cochléaire...