Nous avons appris la surdité d'Apolline très tôt elle n'avait qu'un mois et demi. L'annonce a été un moment très dur, avec son lot d'angoisses, d'interrogations et de tristesse. Quel va être son avenir ? Va-t-elle être exclue ? Va-t-elle subir les moqueries des autres ? Parlera-t-elle un jour ?

Nous avons été pris en charge par un CAMSP pour déficients auditifs très rapidement nous permettant d'avoir des professionnels à nos côtés et de côtoyer d'autres familles dans notre situation voire dans des situations encore plus difficiles (avec des enfants présentant d'autres pathologies associées). Le camsp nous a permis de ne pas rester isolés. Apolline a été appareillée très tôt dès ses 4 mois. Une période difficile avec des appareils qu’elle jetait sans arrêt sans aucun gain auditif puisque le diagnostic posé est une surdité profonde bilatérale.

 

Dans un premier temps j'ai suivi des cours de mimo-gestualité, la LSF nous paraissait être la seule option. Puis est venu le temps de faire des choix : un parcours oraliste ou signant dans la mesure où son ORL nous a proposé une implantation cochléaire bilatérale en deux temps.

Nous avons hésité à lui faire subir une intervention chirurgicale si précoce, mais les rencontres que nous avons fait d'enfants porteurs d’implant cochléaire à 3 ans, à 8 ans et les témoignages trouvés sur internet nous ont convaincu. Nous avons opté pour l’implantation cochléaire bilatérale.

 

C'est dans ce contexte que mes recherches m'ont conduite à découvrir l’AVT par le biais des réseaux sociaux. Le témoignage d’une maman m'a rempli d'espoir. Pourquoi ne pas tenter de donner à notre fille une vraie chance d'être autonome dans la vie malgré son handicap ? Un vrai dilemme s’est posé à nous. Si on s'engage dans l’AVT on abandonne tout aide visuelle, le temps que notre fille développe un langage suffisamment avancé. Mais notre choix était fait, si ça marche vraiment pourquoi ne pas tenter et tout mettre en œuvre pour qu’Apolline ait le plus d’atout possible pour avancer dans la vie.

 

Nous nous sommes donc lancés dans ce pari un peu fou à l'époque car l’AVT était totalement inconnu en France et surtout contre les préconisations des professionnels à qui l’on en parlait, lesquels prônaient une communication plurimodale (LSF ou LPC, images visuelles et oral).

 

Nous nous sommes basés uniquement sur l'auditif pur, cela a été notre cheval de bataille pendant ces deux dernières années. Beaucoup de recherches sur internet sur des sites anglais (notamment AG Bell), des séances AVT enregistrées, des achats de livre (avec une accessibilité difficile puisque très peu sont en français et que nous ne sommes pas bilingue en anglais) et beaucoup d'échanges via les réseaux sociaux qui était à l’époque le seul endroit où on en parlait.

 

Tous ces éléments combinés nous ont permis de mettre en place une pratique de l’AVT à notre manière. J'ai donc consacré énormément de temps à Apolline, réduisant mon travail à 3 jours par semaine pour pouvoir mettre en place des séances de jeux avec elle, encore et toujours afin de développer son sens de l'audition et favoriser l’émergence du langage.

 

Nous avons abandonné tous les signes sauf lorsque elle n'a pas ses appareils, c'est-à-dire pour le bain et après le coucher. Nous avons tout d'abord commencé par jouer avec les animaux, nous avons fait tous les bruits des animaux pendant de très nombreux moments (!) et pratiquement tous les jours au début. Nous avons également choisi des livres sonores pour lui donner un intérêt à entendre par elle-même et le goût des livres (une ressource extraordinaire).

 

Ensuite est venu le temps des jeux Playmobils avec toujours des histoires inventées extrêmement sonores. C’est elle aujourd’hui qui fait ses propres histoires… Nous avons également inclus le chant avec des comptines associées au début à des petites cartes qu’elle choisissait elle-même.

Ce qui était extrêmement important pour nous c'était d'inclure l'audition dans tous les gestes de notre vie quotidienne (tout commenter) et de reprendre tout ce qu'elle nous disait pour lui donner le bon modèle auditif. Cela est devenu un mode de vie en fait, on le fait toujours !

 

Les opérations d’Apolline se sont très bien passées même si là encore notre courage a été mis à dure épreuve : première opération à 11 mois et la seconde à 16 mois.

 

Mais les premières récompenses de notre investissement ont payé. Le premier « maman » a été je crois le plus magnifique des cadeaux depuis le jour de l'annonce…

Depuis les avancées sont juste remarquables. Apolline a fait sa rentrée en petite section de maternelle à 2 ans et demi en école ordinaire, sans AVS. A bientôt 3 ans et demi elle parle, chante, écoute des chansons et regarde quelques petits dessins animés comme toutes les petites filles de son âge. Elle nous surprend tous les jours. Elle arrive à différencier le bruit d'un avion de celui d'un hélicoptère, elle entend et nous répond quand on lui parle d'une pièce à l'autre, elle s’insère dans nos conversations. Il n'y a aucune lecture labiale, et elle ne demande jamais à ce qu’on lui répète les choses. Ses réglages sont au top entre 20 et 25 décibels en linéaire sur toutes les fréquences.

 

Notre orthophoniste, qui nous a suivis dans notre désir de nous baser exclusivement sur l'oral, nous propose pour l’année prochaine un suivi en libéral avec des séances de contrôle très espacées dans le temps (pour les vacances scolaires).

 

Il y a encore un peu de travail pour la phonologie mais comme certains enfants entendants…

 

Aujourd'hui la tristesse à laisser la place à de l'admiration pour ce petit bout de femme si courageuse et tellement intelligente. Dans notre famille tous les petits riens de son développement ont une saveur tellement délicieuse. Tout n'est pas rose cependant, elle a 3 ans et ses grandes avancées sont aussi synonymes d’un caractère extrêmement fort, avec une détermination à toute épreuve.

Nous sommes confiants sur son développement et sa capacité à devenir autonome, convaincus que nos choix ont été les bons pour nous. Nous lui avons donné les clés grâce à l’AVT pour s’insérer dans notre monde d’entendants. A elle plus tard de faire ses propres choix. Je pense que d'ici 2 ans je lui demanderai si elle veut apprendre la LSF.

 

Dorothée